Oxmo Puccino à la Philharmonie de Paris : Le clair-obscur d’un poète du rap

Lorsque j’ai regardé le concert “Batiment B” d’Oxmo Puccino à la Philharmonie de Paris, retransmis sur Culturebox, j’ai été saisie par une émotion rare. Plus qu’un simple spectacle, c’était une expérience où chaque détail – la musique, la lumière, et la présence magnétique d’Oxmo – semblait orchestré pour dialoguer avec nos émotions les plus profondes. C’est une véritable immersion dans un univers où la poésie et la scénographie dialoguent intimement. Accompagné d'invités prestigieux comme Vanessa Paradis, MC Solaar, Sofiane Pamart, Ibrahim Maalouf, et Lino, Oxmo célèbre 25 ans d'une carrière marquée par l’éclectisme et l’excellence artistique. Chaque artiste invité apporte une touche unique, que ce soit les envolées jazz d’Ibrahim Maalouf, la douceur de Vanessa Paradis, la mélancolie de Sofiane Pamart ou encore l’intensité du rap avec BB Jacques et Busta Flex.

Ce qui m’a frappée, c’est la façon dont le show jouait sur les contrastes. Noir et blanc, lumière et ombre, simplicité et majesté. Ce clair-obscur, omniprésent dans la mise en scène, reflétait parfaitement l’univers d’Oxmo Puccino : celui d’un poète du rap, oscillant entre le brut et le délicat, entre la rue et l’élégance des textes.

Placée stratégiquement au cœur de la scène, la porte blanche se distingue comme un élément architectural central, presque mystique. Avec ses volumes imposants et son design épuré, elle évoque à la fois une entrée vers un ailleurs et une frontière symbolique. Cette porte devient une toilelumière et ombre jouent en permanence. Ses dimensions généreuses et ses surfaces planes accentuent les contrastes lumineux, créant des lignes nettes qui découpent l’espace. Lorsque les faisceaux blancs l’éclairent, elle semble vibrer, amplifiant l’impression d’un seuil à franchir, d’un passage entre le réel et l’imaginaire (je pense ici à la prestation de BB Jacques où la lumière est rythmée comme un coeur battant). Elle matérialise ses récits : des mondes à découvrir, des histoires à pénétrer, ou encore des vérités à révéler. Son minimalisme contraste avec la richesse des invités et des sons, renforçant l’idée d’une simplicité brute qui contient toute une profondeur. Son volume épuré, presque brutaliste, rappelle également l’architecture des quartiers urbains qu’Oxmo évoque souvent dans ses textes, tout en s’intégrant parfaitement dans l’écrin prestigieux de la Philharmonie. Une métaphore visuelle puissante pour un artiste qui franchit constamment les frontières entre les genres et les univers.

Le show explore une véritable narration lumineuse qui accompagne et sublime son univers poétique. Dès les premières minutes, le blanc s’impose comme une présence essentielle, presque symbolique. Utilisé de manière subtile et progressive, il devient un fil conducteur, incarnant tantôt la pureté, tantôt l’éclat ou l’espoir, tout en contrastant avec des noirs profonds qui enveloppent parfois la scène. Le blanc, dans ce spectacle, dépasse la simple esthétique. Il devient un acteur à part entière, marquant des transitions émotionnelles et spatiales. Par exemple, lors des moments les plus introspectifs – comme sur L’Enfant seul ou Mama Lova – la lumière blanche, douce et diffuse, se concentre uniquement sur Oxmo, isolant sa silhouette. Elle le place au centre d’une scène épurée, comme s’il s’agissait d’un narrateur seul face à ses récits, dans un vide presque onirique.

Ce blanc minimaliste évoque la sincérité brute de ses textes. En s’opposant au noir environnant, il met en valeur les nuances de sa poésie : la lumière devient un rappel que, même dans la noirceur des thèmes abordés (comme l’exil ou les épreuves de la vie), une clarté subsiste, un espoir demeure. Elle incarne un prolongement de l’écriture d’Oxmo, jouant sur les contrastes entre le visible et l’invisible, le présent et l’intemporel. Le blanc agit comme une métaphore : il illumine ce qui mérite d’être vu et laisse dans l’ombre ce qui doit rester implicite, à l’interprétation du spectateur.

Au départ, les éclairages sont directs et statiques, renforçant une certaine gravité dans les titres introductifs. Puis, à mesure que les invités montent sur scène, les faisceaux lumineux se diversifient, adoptant des rythmes et des teintes plus dynamiques, comme pour symboliser l’ouverture et le partage. L’arrivée de Vanessa Paradis, par exemple, s’accompagne d’une lumière blanche teintée de chaleur, évoquant la douceur de leur interaction. Avec Ibrahim Maalouf, la lumière devient plus vive et fragmentée, jouant sur des rythmes syncopés pour refléter les envolées de la trompette et l’énergie qu’il apporte à la scène.

Un des moments les plus marquants survient lorsque Sofiane Pamart accompagne Oxmo au piano. Le noir profond s’étend sur la salle entière, ne laissant qu’une lumière blanche concentrée sur leurs deux figures. Cette utilisation du clair-obscur crée une intensité palpable, comme si le temps s’arrêtait pour magnifier chaque note et chaque mot.

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